Metsora – Les septièmes et huitièmes jours
Rav Nahum Botschko
Il est écrit, à propos du métzoră [1] : « au septième jour, il rasera tout son poil… il lavera ses vêtements et il baignera sa chair dans l’eau et sera purifié ; et le huitième jour, il prendra deux agneaux sans défaut… et le cohen fera expiation pour lui et il sera pur. »
À propos du zav [2] il est dit : « lorsque le zav se purifiera de sa gonorrhée, il comptera sept jours pour sa purification et il lavera ses vêtements et baignera son corps dans de l’eau vive et il sera purifié ; et le huitième jour, il prendra deux tourterelles… et le cohen fera expiation pour lui devant Hachem de sa gonorrhée. »
À propos de la zava [3] il est dit : « lorsqu’elle sera purifiée de son flux elle comptera sept jours et ensuite elle sera pure ; et le huitième jour, elle prendra deux tourterelles… et le cohen fera expiation pour elle devant Hachem du flux de son impureté. »
Celui ou celle qui a été impur effectue le septième jour les opérations nécessaires à sa purification, comme s’immerger dans de l’eau vive ; le lendemain, au huitième jour, il ou elle offre un sacrifice afin d’achever le processus de purification.
Quel sens a le fait que les opérations de purification soient effectuées le septième jour mais que le sacrifice d’expiation qui achève le processus ne soit apporté qu’au huitième jour ?
Le Maharal possède une grille de lecture bien élaborée concernant les nombres. Il souligne régulièrement le fait que les nombres mentionnés dans la Thora ne sont pas arbitraires mais ont une signification profonde. « Le sept est le chiffre de la nature ; c’est en effet en sept jours que notre monde physique a été façonné. Et c’est pourquoi le métaphysique, littéralement ce qui vient après le physique, relève du chiffre huit. La circoncision est supranaturelle et c’est pourquoi elle a lieu au huitième jour. Toute chose qui relève de la sainteté est séparée de la nature. » (Ner Mitzva, page 23)
C’est-à-dire que le chiffre six exprime la dimension physique à proprement parler, comme les six faces du cube, le six directions de l’espace – nord, sud, est, ouest, haut et bas. De même, les six jours profanes de la semaine. Le sept, quant à lui, évoque déjà une dimension de sainteté inscrite dans la nature elle-même, mais qui la dépasse, comme le chabbat dans la semaine, l’année de jachère de la chémita dans le cycle des sept ans. Il s’agit du niveau de signification qui ajoute une dimension spirituelle au monde naturel. Le chiffre huit désigne le niveau de la sainteté au-delà de la nature, comme la circoncision qui a lieu au huitième jour après la naissance et que le don de la Thora a eu lieu après un cycle de sept fois sept jours et il en est de même des huit jours de Hanoucca.
L’explication du Maharal semble parfaitement convenir à notre sujet aussi.
La personne devenue impure s’est trouvée coupée de la source de ses énergies vitales. Rabbi Juda Halévy a clairement fait valoir dans son Kouzari que l’essence de l’impureté était l’irruption d’une tendance au néant et à la mort qui perturbe le vivant. C’est pour cela que le mort, comme tel, est le principe par excellence des sources d’impureté. L’épanchement séminal et les menstrues sont des exemples d’une éventualité de vie qui n’aboutit pas et se perd. Sept jours seront nécessaires pour que se réinstaure un nouveau cycle dans l’ordre de la pureté de la sainteté naturelle. Le sacrifice d’expiation apporté au Temple au huitième jour relève quant à lui de la restauration de la dimension de sainteté propre – exclusivement – à l’identité humaine. Alors seulement se trouve rétablie l’identité première dans sa pureté, avec les prérogatives qui s’y rattachent.
Il faut donc s’arracher au monde de pure nature pour s’élever à un niveau supérieur de sorte à rétablir l’équilibre rompu, et revenir de là au fonctionnement normal en état de pureté.
De manière analogue, rabbi Hayyim de Volozhyn explique dans son Âme de la vie (1er portique, chapitre 18) qu’il existe trois dimensions selon lesquelles se dépolie l’activité humaine : la pensée, la parole et l’action. La pensée est le plus élevé de tous. La parole est supérieure à l’action. Celui qui a fauté en acte, doit le réparer par la parole. Lorsque la faute a été commise au niveau de la parole, elle doit être réparée dans la pensée. C’est par l’étude de la Thora que sera réparée la faute commise dans la pensée. Autrement dit, pour réparer une atteinte portée à l’un des niveaux de l’être, il faut faire intervenir le niveau qui le dépasse.
Puissions-nous profiter de l’enseignement de rabbi Israël Salanter : aussi longtemps que la flamme n’est pas éteinte, la possibilité de réparer reste entière.
________________________________________
[1] On traduit habituellement par « lèpre » mais les affections cutanées décrites dans la paracha ne relèvent pas de la clinique. Il s’agit de « maladies de la conscience profonde » qui finissent par s’extérioriser.
[2] Homme atteint de gonorrhée.
[3] Femme ayant un flux hors de sa période habituelle.