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Lekh Lekha – Deux millénaires de Thora

Lekh Lekha – Deux millénaires de Thora

Rav Nahum Botschko
« On a enseigné à l’École du prophète Élie : la durée du temps du monde est de six mille ans – deux millénaires de chaos, deux millénaires de Thora et deux millénaires de jours du messie. Les deux millénaires de Thora, quand commencent-ils ? Si nous disions depuis la Révélation du Sinaï, jusqu’au jour où nous parlons, il n’y en a pas eu autant ! Il faut compter à partir du verset “et les âmes qu’ils avaient faites à Haran” » (Traité Avoda Zara 9a)
Ce qui est a priori difficile à admettre : comment les deux mille ans de Thora auraient-ils commencé au temps d’Abraham, alors qu’elle n’a été donnée que longtemps après ! Mais il suffit d’approfondir un peu le sujet pour le comprendre.
La Révélation de la Thora dans le monde n’a été rendue possible qu’après la formation du peuple d’Israël, lui seul ayant la capacité d’avoir une influence sur le monde. La Thora a pour ainsi dire « attendu » ce moment pour venir au monde. Or, c’est avec Abraham que le potentiel de Thora est apparu, c’est alors que la semence d’où devait germer l’identité d’Israël a été semée. La Thora devait encore attendre de « passer à l’acte », mais en puissance, elle était déjà présente.
C’est pourquoi il est effectivement approprié de dire que les deux mille ans de Thora ont commencé avec Abraham. Encore faut-il préciser le moment de la vie d’Abraham ou –selon le Talmud – ce commencement doit se situer. Serait-ce la décision de quitter l’exil d’Ur en Chaldée pour revenir au pays de Canaan ? La première parole adressée par Dieu à Abraham : « va-t’en… » ? La circoncision par laquelle il est devenu « entier » ? La grande et dernière épreuve où Isaac fut attaché sur l’autel et le bras d’Abraham arrêté à l’ultime instant ? C’est alors, en effet, qu’Abraham fut reconnu et déclaré « craignant Dieu ».
Pourtant, le midrach ne retient aucun de ces événements. Pour les sages du Talmud, ce qui marque le commencement de présence de la Thora dans le monde, c’est le fait qu’Abraham et Sarah ont commencé à « faire des âmes », c’est-à-dire lorsqu’ils ont entrepris de rapprocher des hommes et des femmes de plus en plus nombreux de la vérité du projet de Dieu pour le monde, les ramenant « sous les ailes de Sa Présence.
C’est ainsi que Rech Laqich pourra dire (Sanhédrin 99b) : on le considère comme si c’était lui-même qui l’avait “fait”, puisque la Thora dit “les âmes qu’ils avaient faites à Haran” ! »
Rabbi Chmouel Edels, dit « le Maharcha », explique : efforts, elles ne parviendraient pourtant pas à injecter une âme dans un moustique ! et toi tu dis “les âmes qu’ils avaient faites” ? En effet, avant de connaître les voies de la Thora, l’homme n’a aucun avantage sur l’animal. Cette connaissance le distinguera de toutes les autres formes de vie, faisant de lui un homme, ce qui était dès l’origine la finalité de sa création. »
C’est la raison pour laquelle on considère celui qui enseigne la Thora à son prochain comme s’il l’avait « fait ». En effet, il en fait un homme digne de ce nom.
Ces deux enseignements de nos Maîtres nous apprennent deux choses, l’une de caractère général et l’autre de caractère particulier. Le monde n’a reçu une signification spirituelle qu’à partir du moment où Abraham a commencé à diffuser dans le monde les principes fondamentaux de la sagesse divine tels que plus tard ils devaient être énoncés par la Thora. Jusqu’alors, le monde n’était pas encore sorti du chaos originel. De même, chaque homme n’émerge de son propre vide pour s’élever à l’humanité de la Thora que lorsqu’il redresse ses voies pour suivre celles que les mitzvoth lui indiquent.
Nous bénéficions aussi d’un enseignement concernant les âges du monde. Au dire du Talmud, tout se passe comme s’il n’y avait que deux mille ans de Thora et pas plus. Comme si, de même que le chaos s’achève et disparaît après les deux millénaires de son règne, de même le règne de la Thora devrait s’achever après deux mille « Celui qui enseigne la Thora au fils de son prochain, « Toutes les nations de la terre réuniraient-elles tous leurs ans pour céder la place à ce qui lui succède et la remplace : l’ère de la messianité. Une messianité sans Thora ? Cela est-il seulement concevable ?
Rachi a perçu la difficulté et, dans ses notes sur cette page du Talmud, il remarque que cette inférence fondée sur le parallèle entre les deux ères serait erronée.
Mais rabbi Baroukh Halévy Epstein, l’auteur de la remarquable anthologie des principaux enseignements du Talmud et du Midrach intitulée Thora Témima, explique autrement, commentant le verset « les âmes qu’ils avaient faites ». Lorsque commencent les deux mille ans de l’ère dite messianique, l’époque des deux mille ans de Thora, dit il, s’achève d’une certaine manière. Cette ère « messianique » commence en effet alors qu’Israël est parti pour une longue période d’exil. C’est dès le début de son exil qu’Israël commence à en espérer la fin (les sages ont enseigné aussi que le messie était « né » le jour de la destruction du temple – et ce n’est pas ici le lieu de développer davantage). Or, dit-il, lorsqu’Israël est en exil, la Thora ne peut être en sa plénitude. Elle n’est pas « entière ».
Jérémie dit bien (Lamentations 2) : « Son roi et ses ministres sont en exil ? Point de Thora ! » et le Talmud surenchérit (Haguiga 5b) : « Dès lors qu’Israël a été exilé, il n’y a pas de plus grande « suppression de Thora » que cela ! » Et depuis lors, dit-il, nous sommes dans notre exil et notre Thora n’est pas entière ! Il ressort de ce qui précède que de même que la Thora exige la présence d’Israël dans le monde pour pouvoir être révélée, de même ne peut-elle être en plénitude lorsqu’Israël est lui- même diminué n’étant pas présent sur sa terre, n’étant donc pas pleinement lui-même.
En effet, la Présence divine dans toute sa force ne se manifeste qu’au travers de la terre d’Israël quand Israël l’habite, « ce peuple que Je Me suis forgé et qui irradiera Ma gloire » ; cette terre sur laquelle « les yeux d’Hachem sont fixés en permanence, du début de l’année et jusqu’au terme de l’année. »
Quel bonheur d’avoir obtenu d’être revenus en Eretz Israël, d’y renouveler la situation où la Thora se rétablit de plus en plus en sa puissance première, et que puisse enfin se réaliser que « de Sion sortira la Thora et la Parole d’Hachem de Jérusalem. »

Traduit par Rav E. Simsovic

 

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