Haazinou – Et maintenant, écrivez pour vous ce Chant
Rav Nahum Botschko
Au chapitre xxxi, verset 19 du Deutéronome (à la fin de la paracha de Vayélekh), nous lisons :
Et maintenant, écrivez pour vous ce chant et enseigne-le aux Enfants d’Israël, met-là en leur bouche.
Quel chant?
Pour certains (dont Rachi) il s’agit de la paracha de Haazinou, rédigée dans un style lyrique, et qui suit immédiatement ce verset. Pour d’autres, il s’agit de la Thora tout entière et ce verset nous enjoint de la mettre par écrit en son entier, y compris ce chant, car on ne découpe pas la Thora paragraphe par paragraphe (Maïmonide, lois du Sefer Thora, vii, 1).
En tout état de cause, le chant de Haazinou a, dans un cas comme dans l’autre, une importance particulière. Selon la première lecture, il doit être écrit séparément et enseigné aux Enfants d’Israël ; selon la deuxième, elle comme l’épicentre de la Thora, qui est tout entière désignée à travers elle !
L’auteur du Nétivot Chalom, rabbi Chalom Noah Berezovsky de Slonim, s’étonne : pourquoi ce chant est-il si important, si fondamental ? Et d’ailleurs, pourquoi ce texte est-il appelé « chant » ? Un chant n’est-il pas l’expression de la joie, comme le cantique de la mer Rouge ? Or, Haazinou est au contraire chargé de menaces ; y sont décrites les tribulations auxquelles Israël se trouvera confronté au long des générations de ses exils, dont le verset 22 donne le ton : « car un feu s’est allumé dans ma colère, qui consumera jusqu’au plus bas du Chéol ; il dévorera la terre et sa récolte et embrasera les fondations des monts. »
Et Nahmanide (xxxii, 40) d’expliquer : « et voici que ce chant, qui témoigne à notre égard comme un témoin véridique et fiable, expose explicitement tout ce qui nous surviendra… » Pour commencer, le texte fait état de toutes les grâces et des miracles dont Dieu nous a gratifiés pour nous faire sortir d’Égypte et pour nous amener à la terre délicieuse (v. 10-11) : « il l’a trouvé dans une terre désertique, une solitude hurlante et dévastée, il l’a entouré, veillé… comme l’aigle éveille son nid, plane sur ses aiglons… » Puis sont rappelées les fautes d’Israël au temps du Premier Temple qui ont mené au bannissement et à l’occultation de la Face du Saint béni soit-Il. Enfin, le chant annonce ce qui se produira dans l’après des jours d’exil (v. 43) : « Félicitez Son peuple, ô nations… Il exercera sa vindicte sur ses oppresseurs, et Il restaurera Sa terre et Son peuple ».
Ce chant met donc en évidence la Providence de Dieu dans le monde, et en particulier Sa Providence à l’égard d’Israël, en tout temps, aux jours heureux et aux jours moins heureux. Ce qui est bien l’objectif de la Thora : dévoiler la Présence agissante de Dieu dans le monde.
Les propos de Nahmanide éclairent aussi l’importance que la Thora donne à ces versets, au point de les appeler « chant », car l’histoire d’Israël dans le monde est le cantique même de la Création, où se manifeste la Providence divine. C’est ce qu’écrit le rabbi de Slonim : « l’essence de ce chant est de garantir la permanence du lien unissant Dieu à Israël et d’en témoigner. »
Ce n’est pas par hasard que cette paracha est toujours lue dans les parages de Roch Hachana, le jour du Jugement, le jour où nous sacrons Dieu Roi du monde, ainsi que nous le déclarons dans la liturgie de ce jour : « Règne glorieusement sur le monde tout entier, et que ton honneur s’exalte au-dessus de toute la terre. »