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Fêter la création de l’Etat d’Israël

Fêter la création de l’Etat d’Israël

Rav Shaoul David Botshko

 

Cette année, le jour de l’Indépendance d’Israël, notre joie a été atténuée par l’expulsion/évacuation des Juifs de Goush Katif de leur terre et la cession de terres à l’ennemi. Chacun de nous s’interroge : Convient-il de célébrer Yom Haatsmaout comme les années précédentes ? Si l’État se comporte ainsi, y a-t-il lieu de se réjouir ?
Pour comprendre la signification de la fête, il faut revenir à la racine des choses et poser les questions de fond : qu’y a-t-il de changé depuis la création de l’État ? Qu’en est-il de la joie ? Que célébrons-nous à Sion le Jour de l’Indépendance de l’État ?
Nombre d’entre nous sont nés dans l’État, nombre d’entre nous y vivent depuis plusieurs années et la réalité de l’État pour nous est un fait simple et évident, au point que nous n’en ressentons pas la merveilleuse nouveauté ni le cadeau particulier que nous avons eu le privilège de recevoir en ces générations. Ce n’est pas pour rien que nos Sages ont décidé que, la nuit du séder où nous célébrons notre liberté et la délivrance de notre âme nous devons manger du maror en prononçant une bénédiction, et ils ont décidé qu’il fallait poser la question « Pourquoi ce maror ? » car il est en fait superflu. Le passé est le passé. En fait, s’il n’y avait pas de maror sur la table, nous ne comprendrions pas la signification de Pessah.

Si nous ne nous souvenions pas que nous étions esclaves, nous ne nous souviendrions pas que Dieu nous a fait sortir d’Égypte. De même, si nous ne souvenions pas de ce que nous avons vécu par le passé pendant toutes les années d’exil, nous ne comprendrions pas la grande délivrance et le sauvetage miraculeux agencé pour nous par Dieu, et nous risquerions de dire que l’État est une chose normale, normale pour tous les peuples. C’est là que je suis né, c’est là que j’ai grandi, tout naturellement.

Pour saisir la signification de notre situation d’aujourd’hui, nous devons nous inspirer du verset : « Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle » (Deutéronome XXXII, 7). Un examen approfondi révèle que la re-création de l’État d’Israël constitue un tournant historique dans cinq domaines dont chacun justifierait que nous remercions Dieu. À plus forte raison, nous devons lui exprimer notre gratitude pour tous les miracles et merveilles dont Il nous a fait bénéficier.

Pour les décisionnaires, il n’a guère était facile de fixer au 5 Iyar le jour d’actions de grâce célébrant la renaissance de l’État d’Israël, dans la mesure où ce fut aussi le jour où commencèrent les problèmes, notamment la guerre sur tous les fronts qui coûta la vie à des milliers de soldats et d’habitants. N’eût-il pas été préférable de fixer le jour de la fin de la guerre, le jour du cessez-le-feu et de l’armistice pour célébrer à la fois la renaissance de l’État et la victoire elle-même ?
En fait, le jour de la renaissance de l’État constitue en soi une bénédiction et revêt une grande importance dans les cinq domaines suivants :
1. Délivrance de l’exil d’Edom.
2. Retour en Eretz Israël.
3. Indépendance.
4. Unité.
5. Épanouissement de la Torah.
Précisons chacun de ces points.

1. La Torah commence par les versets : « Au commencement, Dieu avait créé le ciel et la terre. Or, la terre n’était que solitude et chaos (tohou va-vohou) ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme et le souffle de Dieu planait sur la face des eaux. » D’après le midrash, tohou désigne l’exil de Babylonie, et bohou l’exil de Médie, hochekh (l’obscurité), c’est l’exil de Grèce, tehom (l’abîme) l’exil d’Edom (qui semble un abîme sans fin), et le souffle de Dieu, l’esprit de la techouva (repentir, revenir) qui induit la délivrance. (Béréchit Rabba, 82, 4).
À première vue, le midrash semble incompréhensible. La Torah décrit le début de la création du monde avant l’apparition des créatures. L’homme n’existe pas encore ; il n’y a ni non-Juifs ni Juifs. Comment peut-on, à ce stade, évoquer les exils d’Israël sous la domination de différents peuples ? Un examen plus approfondi montre que le midrash pose une question d’une importance considérable : puisque Dieu avait créé le monde selon sa volonté, Il l’avait certainement créé de façon parfaite, dans Son immense sagesse, selon un plan précis. Que désigne donc la Torah par le verset « la terre n’était que solitude et chaos (tohou va-vohou) ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme ». Dieu aurait-Il créé un monde catastrophique ? Et le midrash répond par l’affirmative : Dieu a créé un monde d’une façon telle qu’il allait se corrompre et être détruit. Cette situation s’explique par la création de l’homme, seule créature dotée du libre-arbitre, c’est-à-dire doté de la capacité de faire tout ce qui lui vient à l’esprit. La création de l’homme a amené dans le monde la force de destruction, cette force qui, à l’avenir, allait provoquer quatre exils et des catastrophes, mais en réalité, « le souffle de Dieu planait sur la face des eaux ». Autrement dit, la techouva, qui conduit à la délivrance du monde, est elle aussi créée, ce qui annonce que le monde finira par s’amender pour devenir conforme à la volonté divine, sans dépravation de l’homme. Tel est notre mission dans ce monde.

Chacun des exils caractérise le type de guerre spirituelle menée par les nations contre le peuple d’Israël en telle ou telle génération. Babel représente l’approche idolâtre et l’orgueil, l’incapacité à supporter l’existence d’un Temple et d’une autre force qu’elle ; dans son orgueil, elle combat Israël. Incarnant l’appétit de jouissance et de plaisir, les Mèdes luttèrent contre tout ce que contient la kedoucha (approximativement traduit en français par le mot « sainteté »). Lors de la fête de Pourim, nous mentionnons la victoire remportée sur Babel et sur les Mèdes, Israël ayant traversé ces époques d’oppression et survécu sur le plan spirituel. La Grèce représente la sagesse humaine s’opposant à la sagesse divine au point de ne pouvoir la supporter et de vouloir exterminer le peuple d’Israël et éteindre la flamme de sagesse divine. Au moment de la fête de Hanoukka, nous célébrons la victoire de la Torah sur la sagesse des nations. Edom (l’exil chez Esaü), c’est l’abîme. Là, il ne s’agit pas d’une idéologie au nom de laquelle les nations veulent exterminer Israël ; il n’est pas question d’orgueil ou d’appétit grossier, ni de sagesse, mais de la volonté irrationnelle d’exterminer le peuple d’Israël sans raison.

Les habitants d’Edom, qui savent qu’Israël est porteur du nom de Dieu dans le monde, ne veulent pas de Dieu dans leur monde ; ils ont donc le sentiment de devoir se débarrasser des Juifs. L’exil d’Edom a commencé avec les Romains qui exilèrent Israël de son pays, lui infligeant ainsi des années d’opprobre, de souffrances et catastrophes culminant avec la terrible Shoah au cours de laquelle la quasi-totalité du monde participa à l’effacement du nom d’Israël, Dieu préserve, et s’abstint de tendre une main secourable, fermant ses portes devant les supplications des derniers réfugiés. Au cours des différentes campagnes menées par Israël ces 58 dernières années, environ 22 000 personnes ont trouvé la mort. Durant ces terribles années, c’était en moyenne le nombre de personnes assassinées chaque semaine. Les méchants faillirent réaliser leur dessein d’effacer le nom d’Israël de la surface de la terre.

Dans Sa bonté, Dieu permit la création de l’État d’Israël, ce qui mit fin aux projets des ennemis d’Israël d’exterminer les Juifs. La création de l’État d’Israël fut donc à la fois une réponse et le début de la délivrance de l’exil d’Edom ; il marque la fin d’une époque dans l’histoire du monde, époque qui avait commencé avec l’exil de Jérusalem par les Romains et prit fin avec la création de l’État. De même que Pourim et Hanoukka marquent la fin d’exils, Yom Haatsmaout représente la fin de l’exil le plus long. La re-création de l’État marque donc ce grand changement par lequel le peuple d’Israël a connu une renaissance en tant que nation et est revenu reconstruire sa maison en Eretz Israël. Comment ne pas s’en réjouir, et comment ne pas remercier Dieu ?

 

2. Après l’exil imposé par les Romains et leur dispersion dans le monde entier, les Juifs tentèrent encore, avec une grande piété, de demeurer en Eretz Israël. Rabbi Yohanan dirigeait un centre d’étude de la Torah en Eretz Israël, centre qui exista un temps en parallèle à ceux de Babylonie. Mais, avec les années et l’accumulation des malheurs, la population juive d’Eretz Israël se clairsema au point qu’il ne resta presque plus de Juifs. Dès lors, à chaque génération, des Juifs tentèrent de revenir s’installer en Eretz, partirent, revinrent, avec beaucoup de conviction et d’acharnement, mais ils ne réussirent pas à s’implanter ni à assurer un redressement national. L’amour du Pays les embrasait, mais ils ne parvenaient pas à le concrétiser en s’y installant. Et soudain, il y a quelque cent cinquante ans, le retour en Eretz Israël devint possible.

De nombreux Juifs vinrent s’implanter dans le Pays, certes dans des conditions difficiles et en subissant bien des avanies, mais ils réussissaient. Avant même la proclamation d’indépendance de l’État, 600 000 Juifs vivaient déjà dans le pays, chiffre stupéfiant comparé à celui de la population juive quelques dizaines d’années plus tôt. La création de l’État permit l’immigration de nombreux Juifs, interdite par les nations qui les avaient dominés. La création de l’État d’Israël nous a permis d’accomplir la mitsva de yishouv Eretz Israël, le peuplement d’Eretz Israël. Nous ne sommes plus obligés de vivre parmi les nations, nous pouvons réaliser cette mitsva, et même les êtres les plus insignifiants d’Israël bénéficient du mérite de cette mitsva. Il y a lieu de s’en réjouir et d’en remercier Dieu.

 

3. Non seulement les Juifs peuvent habiter en Eretz Israël, mais l’indépendance de l’État et l’instauration d’un pouvoir juif souverain en Eretz Israël constituent l’application de cette mitsva de la façon la plus complète. Le Ramban et d’autres sages avaient déjà écrit que la mitsva d’habiter en Eretz consiste à dominer le pays et à ne pas donner de pouvoir à un autre peuple, ce qu’on ne peut réaliser que s’il existe un pouvoir juif reconnu par les nations et une souveraineté juive absolue sur la terre. Dieu avait dit à Abraham : « car ta postérité séjournera sur une terre étrangère où elle sera asservie et opprimée durant quatre cents ans » (Genèse XV, 13), et nos sages avaient expliqué que le décompte des années commençait à partir de la naissance d’Isaac. Cela semble surprenant, à première vue, puisque Abraham et Isaac séjournaient en Eretz Israël, de même que Jacob, la majeure partie de sa vie. Il fut même enjoint à Isaac de ne jamais quitter le pays.

Dans ces conditions comment peut-on ne pas compter leurs années comme des années de séjour en Eretz ? N’étaient-ils pas installés en Eretz Israël ? David, lui aussi, alors qu’il fuyait le courroux de Saül pour se rendre chez Akhish, roi de Gath, se lamente : « Puisqu’ils me chassent aujourd’hui pour me détacher de l’héritage de l’Éternel et qu’ils me disent : va servir des dieux étrangers ! (I Samuel XXVI, 19 et Guemara Ketoubot, 110 b). Or, Gath, situé aux frontières d’Eretz Israël, est identifié aujourd’hui comme la région de Goush Katif. Comment nos Sages ont-il pu déduire de ce verset que quiconque quitte le Pays, c’est comme s’il se livrait à l’idolâtrie ? Ce qui est expliqué ici, c’est que, si des Juifs habitent en Eretz Israël, tant qu’ils se trouvent là en tant qu’individus placés sous le pouvoir des nations, ils n’accomplissent pas pleinement la mitsva. C’est pourquoi nos sages ont enseigné : « un homme doit toujours de préférence résider sur la terre d’Israël, même dans une ville à majorité non-juive, plutôt qu’hors de la terre d’Israël, même dans une ville à majorité juive. »

Il n’y a pas lieu de vivre à l’étranger, seulement en Eretz ; a priori, il s’agit de vivre en Eretz Israël dans une ville à majorité juive, c’est-à-dire sous une autorité juive, mais, si ce n’est pas possible, il demeure préférable de vivre sous la domination des nations en Erets Israël plutôt que de vivre à l’étranger. Mais faisons attention, on ne peut accepter d’utiliser ce principe pour affirmer qu’il vaut mieux vivre en Eretz Israël sans respecter les mitsvot plutôt qu’à l’étranger, D-ieu nous ayant donné la terre pour que l’on y vive conformément à sa volonté..
La création de l’État a conféré à la mitsva d’habiter en Eretz une totale authenticité. Là encore, il y a lieu d’en faire l’éloge et d’en être reconnaissant.

 

4. L’un de plus grands dommages causés par l’exil, c’est qu’il a porté atteinte à l’unité d’Israël. L’exil nous a privé de la possibilité d’être ensemble et nous a morcelés en groupes et groupements. Dans divers pays, des communautés juives voisinaient sans entretenir aucune relation. Leurs dirigeants, leur culture étaient différents. Même lorsqu’un certain nombre de communautés se rassemblaient dans telle ou telle localité, chaque groupe constituait sa propre communauté, sa propre synagogue, ses propres organisations éducatives et caritatives, chacun pour soi. Il n’existait aucune direction générale pour l’ensemble de cette population dont les membres étaient séparés. Avec la création de l’État, s’est créée une direction unique organisant l’ensemble de la population vivant à Sion.

Certes, cette direction n’agit pas comme nous le souhaiterions, et nous prions pour que des hommes de foi dirigent l’État, mais, la question de l’unité qui met fin à cette terrible dispersion est l’un des signes de la délivrance. Le Maharal de Prague explique qu’il est dans la nature d’Israël d’être uni, et nos sages ont précisé que, dans les tefilin de Dieu, il est écrit : « Qui est comme ton peuple Israël, une nation une sur la terre ». Israël a été créé pour être Un et en cela sanctifie le nom de Dieu dans le monde ; lorsque nous sommes dispersés, c’est comme si ces tefilin étaient impropres à l’utilisation jusqu’à ce que l’unité soit restaurée. La création de l’État a permis de rassembler et d’unir les membres du peuple d’Israël dispersés qui désormais, disposent d’un grand centre auquel sont liés tous les Juifs du monde.

 

5. Toutes ces réalisations – la fin de l’exil, le retour en Eretz Israël, l’indépendance, l’unité – ne constituent pas un but en soi, mais un instrument pour parvenir à la délivrance totale et à une relation authentique du peuple d’Israël à son Créateur. Nous ne revenons pas en Eretz Israël uniquement pour manger ses fruits et nous rassasier de ses bienfaits. Moshé supplie Dieu qu’Il le laisse entrer en Eretz, et la Guemara (Sota 14 a) s’interroge : Pourquoi ? Souhaite-t-il accomplir la mitsva de consommer de ses fruits ? Il aspire à accomplir les mitsvot afférant à la terre. Eretz Israël est la terre de Dieu, la terre de la Torah et des mitsvot ; c’est elle aussi qui définit notre identité et notre nature. D’une façon générale, mais plus particulièrement en Eretz Israël, notre existence a pour finalité l’instauration d’un royaume de Torah, mené par la lumière divine et amendant le monde selon la voie de la Torah. Pour constituer un royaume de Torah, il faut d’abord créer un royaume. Tant que nous sommes dispersés, asservis, persécutés et massacrés, nous ne pouvons pas le créer. Toutes les réalisations obtenues avec la création de l’État sont les conditions sine qua non de la concrétisation de la vision juive que nous espérons et qui est au centre de nos prières.

Certes, il ne suffit pas d’espérer, de rêver et de prier. Chacun de nous doit agir sans relâche pour ajouter sainteté et Torah dans ce pays, pour éviter une situation, Dieu préserve, où la terre nous vomira. Si l’on comprend que nous constituons tous un seul peuple, une seule nation, nous devons assumer les responsabilités qui nous incombent les uns vis-à-vis des autres et agir en conséquence. L’action commence dans notre entourage immédiat en développant un sentiment d’unité : sollicitude à l’égard de ceux qui sont en difficulté sur le plan économique ou spirituel, sollicitude à l’égard de ceux qui empruntent la mauvaise voie. Ensuite, sollicitude à l’égard de la nation tout entière.

Il faut s’efforcer de diffuser la lumière de la Torah dans l’ensemble du peuple d’Israël. C’est ce qui est requis de nous, et nous sommes convaincus que Dieu agit avec miséricorde et prépare notre délivrance ; comme l’ont enseigné nos sages, la délivrance future interviendra grâce à la bonté et à la miséricorde. Dieu crée et donne vie à toutes choses ; nous, qui sommes croyants, fils de croyants, nous savons que la main de Dieu agence tout cela. Tous les miracles dont nous avons été témoins au cours de ces générations n’ont pas eu lieu en vain ; nous nous trouvons au cours d’un processus de longue durée et, malgré les chutes, malgré les souffrances et les difficultés, ce processus ne s’arrête pas et la voie nous conduit vers le grand objectif.

Si nous comprenons tout cela, notre cœur débordera de joie et de reconnaissance pour Dieu et toute la bonté qu’il nous a prodiguée et continue à nous prodiguer en nous sauvant des mains de ceux qui voulaient nous exterminer et en nous ramenant en Eretz Israël, en nous accordant l’indépendance et un pouvoir souverain, en nous unissant et en nous faisant étudier la Torah. Nous prierons pour qu’à l’avenir nous réussissions, avec l’aide de Dieu, à poursuivre son œuvre, à remplir notre mission comme Il le souhaite dans ce merveilleux processus, à propager la Torah, à sanctifier le Nom divin et à croire qu’en dépit des difficultés et des complexités, la délivrance surviendra rapidement et nous pourrons chanter un chant nouveau. Amen !

 

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