Yitro – Le poids des mots… le choc de la Révélation !
Rav Shaoul David Botschko
La Révélation est le pont culminant de l’Histoire. En effet, cet événement témoigne que D-ieu « descend dans le monde » et « parle à l’homme ». À partir de ce moment, les habitants de l’univers ne sont plus des aveugles qui errent et qui trébuchent, ne sachant trouver leur chemin. Ils sont devenus des êtres éclairés qui savent qui les a créé et surtout ce que le Créateur leur demande. Ce jour-là, le peuple juif a reçu ce que le Rav KOOK appelle le « Heshbono Chel Olam » que l’on pourrait traduire par le mode d’emploi de l’univers, c’est-à-dire comment l’homme doit parachever l’oeuvre du Créateur.
La centralité de cet événement explique ce que Rachi nous enseigne: tous les 613 commandements sont implicites dans les « dix paroles » de la Révélation. C’est ainsi que l’interdiction de porter un faux témoignage sur son prochain inclut en elle toutes les lois qui – telle la médisance ou la vexation – sont du domaine de mal causé par les mots.
Arrêtons-nous sur ce commandement en rapportant la Michna d’Arakhine qui le commente: « Celui qui médit de son épouse l’accusant à tort de l’avoir trompé est puni plus sévèrement que celui qui a violé une jeune fille. De même, c’est à cause du discours des explorateurs que nos ancêtres périrent dans le désert alors que D-ieu leur pardonna lorsqu’ils fabriquèrent le veau d’or. »
Pour justifier la position de notre Michna, la Guémara affirme que celui qui médit porte atteinte à l’essentiel et nie la création elle-même.
Un détail du Midrash – qui prolonge un dialogue de D-ieu avec Moïse[1] – va nous aider à comprendre cette page du Talmud: « Moïse dit à D-ieu: « Ils ne me croiront pas; ils diront: l’Eternel ne t’a pas envoyé. » D-ieu alors, se fâcha: « Quoi! Tu médis de mes enfants; ils sont pourtant de véritables croyants. D’ailleurs tu le verras, à deux reprises ils manifesteront leur confiance » et D-ieu punit Moïse, sa main devint lépreuse. »
Et pourtant, n’était-ce pas Moïse qui avait raison; ce peuple qu’il sortit à grande peine d’Egypte ne s’est-il pas plainte une multitude de fois, n’a-t-il pas sans cesse contesté Moïse et douté de D-ieu. Alors, comment se fait-il qu’il ait suffi de quelques vérités désagréables à entendre pour que le Serviteur Fidèle se fasse vertement rabroué.
Justement ce qui est remarquable dans ce passage, c’est l’affirmation de D-ieu que, malgré les apparences, les ingrats du désert sont de réels croyants. « À deux reprises, ils feront confiance », clame D-ieu, le reste n’est que des péripéties. « Comprends », enseigne-t-il à Moïse, « ce sont mes enfants, ils sont créés à mon Image, l’étincelle divine les habite ». Ainsi, dire du mal de son prochain, c’est après l’avoir observé, avoir nié que son âme soit d’origine divine.
C’est une terre qui dévore ses habitants « , proclamèrent les explorateurs. En prononçant ces paroles, ils n’ont pas voulu admettre que si elle dévore ses habitants, ce n’est pas parce que son climat est malsain ou son sol improductif, mais que, comme le dit la Thora, c’est une terre qui « vomit ses habitants » lorsque ceux-ci le méritent. Cette même terre est le pays où coule le lait et le miel pour tous ceux dont la conduite témoigne qu’ils ont compris que la Présence divine habille la terre d’Israël. Ceux qui ont fabriqué le veau d’or ont voulu un dieu qui soit proche d’eux, pour remplacer Moïse qu’ils croyaient disparu. Pour les explorateurs, c’est encore plus grave. En « parlant su Eretz Israël », ils ont voulu cloîtrer D-ieu au Ciel.
Celui qui médit de son prochain, porte un faux témoignage sur la véritable nature de l’homme.
De même celui qui médit d’Eretz Israël porte un faux témoignage sur la véritable nature de la création.
Tous les deux nient le message essentiel de la Révélation: la Gloire de D-ieu emplit le monde et l’homme – pouvant la saisir – est à même d’établir un dialogue avec D-ieu.
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[1]Exode 4, 1