Vayechev – Les origines Davidiques et la Délivrance en notre temps
Rav Nahum Botschko
La paracha de Vayechev contient le récit mouvementé des faits et gestes de Tamar et de Yéhouda qui aboutit à la naissance de deux jumeaux, Peretz et Zera’h, Peretz qui est l’ancêtre de Boaz, qui, au terme d’une aventure pour le moins étonnante finira par épouser Ruth la Moabite. Elle-même est la descendante de Moab, le fils que Loth eut avec sa fille aînée après la destruction de Sodome et de Gomorrhe. De cette union de Boaz et de Ruth est issue la lignée royale qui aboutira à la naissance du Roi David.
Une question évidente brûle les lèvres : pourquoi la lignée royale et messianique procède-t-elle en fin de compte d’une telle série d’unions pour le moins problématiques?
Dans un registre tout autre et qui entretient pourtant avec le sujet précédent une corrélation certaine, on est en droit de se demander pourquoi les événements de caractère clairement messianique que nous vivons de notre temps – le retour à Sion, l’établissement de l’État après une parenthèse d’exil de deux mille ans, et tous ce qui se rattache à ces deux manifestations de la Providence – pourquoi tout cela est le fait de personnes qui n’ont avec la tradition juive et la pratique de la Thora qu’un lien plutôt lâche. Ceci au point que des rabbins considérés par de très nombreux fidèles comme des « grands » de la génération préfèrent se tenir à l’écart et ne pas prendre part à cette œuvre grandiose.
Le rav Issakhar Chlomo Teichtel auteur d’un livre phénoménal écrit pendant la Choa, Em Habanim Semé‘ha, écrit (II, 13) :
Or, il est clairement attesté dans les ouvrages des Maîtres de la Qabbala que lorsque Hachem béni soit-il veut réaliser en Son monde quelque chose de grand, qui touche aux êtres d’en haut dans les cieux des cieux et aux êtes d’en bas sur cette terre, Il enveloppe cette chose en toutes sortes d’enveloppes, et même par des moyens peu reluisants ou même franchement laids, de sorte que les forces adverses et accusatrices ne se rendent pas compte de ce qui se passe et ne se mêlent pas de l’empêcher. Si ces choses se faisaient à visage découvert, l’accusateur clamerait sans cesse son
réquisitoire et la Midat Hadîn, la justice stricte et rigoureuse se mettrait en travers de la réalisation de l’œuvre.
Que signifie ce réquisitoire de la Midat Hadîn ? Si ce qui se passe est une bonne chose, pourquoi cela ne peut-il se faire facilement ?
Prenons un exemple : imaginons un récipient d’une certaine contenance. Si on y verse un liquide d’un volume supérieur à sa capacité, il débordera ; s’il est trop fragile, dans certains cas il pourrait même se briser. Dans un registre un peu différent, un enseignant qui doit former un élève débutant ne peut pas le noyer d’un coup sous l’avalanche de ses connaissances. Il doit élever l’élève progressivement et pour ce faire il doit lui-même réduire sa propre envergure.
Il existe dans le monde des forces positives et des forces négatives. Les processus historiques importants pour le peuple d’Israël et pour le monde entier, la Providence divine ne peut pas se manifester dans toute sa puissance car le monde ne serait pas capable de le supporter.
L’intervention divine doit donc être voilée, recouverte de toute sorte d’écrans, au travers d’un grand nombre de processus, de sorte que cela n’apparaisse pas de façon évidente pour ce que c’est : les péripéties de la Délivrance. Mais en ce cas, c’est à ce point voilé que même des maîtres d’Israël dignes de ce nom ont considéré ces péripéties comme négatives, parce que les choses ne se passaient de la manière qu’eux avaient prévue. Ainsi, le processus se poursuit, se développe tout doucement, et se dirige vers l’objectif final sans éveiller une trop grande opposition.
C’est de cette manière encore que le rav Teichtel, (Em Habanim Semé‘ha, II, 11) explique l’échec de Don Yossef Nassi1 qui a tenté d’œuvrer pour la restauration du pays d’Israël : c’est précisément parce qu’il était craignant Dieu ! Donnons-lui la parole :
C’est pour cela que la Providence en sa profonde Sagesse a suscité un homme qui viendrait avec un tel projet, de racheter des terres de notre saint pays et de la bâtir, un homme incapable de reconnaître sa droite de sa gauche lorsqu’il s’agit de s’orienter dans le monde de la Thora et des Mitzvoth…
Il est important de signaler que nous ne comprenons pas vraiment les calculs divins et que nous ne prétendons pas savoir pourquoi les événements se produisent de telle manière et non de telle autre. Nous devons toujours manifester notre gratitude et reconnaître les formidables bienfaits dont Il nous gratifie et de prendre garde – à Dieu ne plaise – de ne pas ternir le bien qu’il nous fait et à ne pas nous en détourner, et même si les événements ne répondent pas exactement à notre humaine attente.
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1 Don Joseph Nassi, duc de Naxos, 1505-1579. Pour plus de détails sur cette aventure extraordinaire, voir : http://www.fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/1481886/jewish/Don-Joseph-Nassi-Duc-De-Naxos.htm.