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Lekh Lekha – la confiance et l’effort avec l’exemple d’Abraham

Lekh Lekha – la confiance et l’effort avec l’exemple d’Abraham

Rav Nahum Botschko

 

Abraham arrive au pays d’Israël après s’être arraché à son lieu de naissance, aux paysages de son enfance. Mais en Israël sévit une dure famine et Abraham se trouve contraint de descendre en Égypte pour assurer sa survie et celle des siens (Genèse xii, 10)
Les commentateurs discutent de savoir si Abraham a pris en l’occurrence la bonne décision ou bien, au contraire, y a-t-il eu faute de sa part.
Rachi compte l’événement comme l’une des épreuves qu’Abraham doit traverser : « pour l’éprouver, pour voir s’il récriminerait contre les paroles d’Hachem qui lui avait enjoint de se rendre au pays de Canaan et qui maintenant le mène à en repartir. » Mon père, rav Shaul David Botschko explique[1] : « Abraham a bel et bien surmonté l’épreuve et son mérite tient à n’avoir pas protesté contre les décisions de la Providence… la famine était très dure et qu’il aurait pu en mourir. » C’est-à-dire que l’épreuve n’était pas de savoir s’il resterait dans le pays ou non, malgré la famine, puisqu’Abraham y était contraint afin de ne pas mourir de faim.
Il y avait à mettre en œuvre les efforts qui relèvent de l’initiative humaine pour résoudre les difficultés du moment. La véritable épreuve qu’Abraham a surmontée était de rester constant dans sa confiance en Dieu même lorsque la réalité immédiate venait contredire pour ainsi dire les promesses qui l’avaient amené au pays.
Nahmanide écrit au contraire : « Abraham a commis une faute en quittant le pays… car Dieu, dans la famine l’aurait sauvé de la mort. » C’est-à-dire qu’Abraham aurait dû mettre sa confiance en Dieu. Il aurait dû croire que Dieu lui ferait trouver de la nourriture malgré la famine et il aurait dû rester dans le pays !
Peut-être cette controverse entre Nahmanide et Rachi est-elle une illustration de la controverse fondamentale opposant la confiance en Dieu à l’effort procédant de l’initiative humaine.
Nahmanide souligne à maintes reprises que le fidèle doit avoir une confiance absolue en Dieu et réduire au minimum ses propres initiatives humaines. Par exemple, concernant le recours aux médecins, il écrit[2] : « le verset dit[3] “et guérir, il guérira”, c’est-à-dire que permission a été donnée au médecin de soigner ; cependant il ne convient pas au servant parfait de recourir à la médecine naturelle (=humaine) et en ce qui le concerne, il n’a besoin d’aucun effort personnel même en matière de gagne-pain, mais seulement de confiance en Dieu. »
Rachi, quant à lui, justifie ici le départ d’Abraham hors d’Israël, bien qu’il considère le fait de vivre en Eretz Israël comme étant d’une importance capitale. Voici ce qu’il écrit pour expliquer la malédiction formulée dans la paracha de Ki Tavo[4] : « Hachem te dispersera parmi tous les peuples, de l’extrémité de la terre et jusqu’à l’extrémité de la terre et tu y serviras des dieux autres que tu ne connaissais pas, ni toi ni tes pères »
Il ne s’agit pas, dit Rachi, d’idolâtrie au sens propre du terme, mais de l’imposition de taxes à payer (capitations) aux prêtres des cultes idolâtres. Autrement dit, d’après Rachi, la Thora désigne comme idolâtrie l’habitat en terre étrangère et le fait d’y payer des impôts. Et cependant, dans le cas de la lourde famine qui sévissait au temps d’Abraham, il devait quitter le pays et garantir sa survie à cause de l’obligation de la mise en œuvre des ressources humaines et l’interdiction de compter sur le miracle.
Comment pouvons-nous vivre avec des positions aussi contradictoires ?
Rabbi Israël Salanter explique que la voie tracée pour nous est celle des « Devoirs du cœur » de rabbi Bahya Ibn Paqûda qui écrit : « il faut faire confiance à Dieu précisément au travers de l’effort personnel, car il est interdit de se reposer sur le miracle ; et bien que rien ne saurait limiter le pouvoir de Dieu de nous sauver même sans effort de notre part, tout ce que nous pouvons mettre en œuvre par nos propres forces, nous avons le devoir de le faire. »
Cela dit, il existe des êtres d’exception qui vivent au-dessus des lois naturelles et à ceux-là convient la position de Nahmanide.
Or donc, nous qui ne sommes pas des êtres d’exception, que retiendrons-nous de la position de Nahmanide ? C’est la valeur d’Eretz Israël et du fait d’y fixer sa résidence qui lui dicte que même dans une situation objectivement impossible, il ne faut pas en partir. Ne constatons-nous pas nous-mêmes que résider en Eretz-Israël exige souvent un véritable dévouement !?

 

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[1] Lumières de Rachi sur Lekh Lekha, « Les origines du peuple d’Israël », Bibliophane, Paris 2005, page 34.
[2] Rapporté par rabbi Israël Salanter, Even Israël, 3ème dissertation. Voir aussi en détail le commentaire de Nahmanide sur Lévitique xxvi,10.
[3] Chemot xxi, 19.
[4] Deutéronome xxviii, 64.

 

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