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Rav Nahum Botschko : A’harei Mot – « Et il en vivra »

Rav Nahum Botschko : A’harei Mot – « Et il en vivra »

La paracha de A‘haré moth nous enseigne l’un des principes fondamentaux de la Thora concernant le rapport de l’homme à la Loi : la défense de la vie humaine (en hébreu – piqoua‘h néfèche) prime toutes les autres dispositions légales. Ceci est exprimé dans le verset 5 du chapitre 18 du Lévitique : « Vous garderez Mes statuts et mes lois que l’homme réalisera et il en vivra. »

Le Talmud (Yoma 85 a-b) se propose d’établir que la défense de la vie humaine prend le pas sur la pratique du Chabbat et cite à cet effet plusieurs sources avancées par les Sages. En fin de compte, Rava confirme que l’argument de Chmouel est déterminant : « Rav Yéhouda a dit que Chmouel a dit : [il est écrit] “et il en vivra”, [ce qui signifie : qu’il en vive] et non qu’il en meure ! »

Et les commentateurs renchérissent en disant que ce principe s’applique même lorsqu’il y a seulement une éventualité même incertaine de danger pour la vie humaine. Le piqoua‘h néfèche ne s’applique pas seulement au cas du Chabbat, mais à toute la Thora qui doit pour ainsi dire lui céder la place chaque fois qu’il se présente. Seules trois conduites doivent rester inébranlables : l’idolâtrie, la débauche et le meurtre sont des crimes tels qu’il vaut mieux se faire tuer que de les commettre (cf. Sanhédrin 74a).

Pourtant, voici un récit de la guémara (Bérakhot 32b) qui semble contredire ce qui précède : « Nos maîtres ont enseigné : il est arrivé qu’un homme pieux priait sur la route. Un grand seigneur (non-juif) vint à passer qui le salua et l’homme pieux ne lui rendit pas son salut. Le seigneur attendit qu’il eut terminé sa prière et il lui dit alors : “vaurien, n’est-il pas écrit ‘mais prend bien garde seulement et garde ta personne’ et il est écrit aussi ‘et vous prendrez bien garde à vos personnes’ ! Lorsque je t’ai salué, pourquoi ne m’as-tu pas rendu mon salut ? Si je t’avais coupé la tête d’un coup de sabre, qui m’aurait réclamé ton sang ?” L’homme pieux lui répondit : “Patiente, je te prie, que je t’apaise par mes paroles. Si tu t’étais trouvé en présence d’un roi de chair et de sang et que soit survenu un de tes pairs et qu’il t’ait salué, lui aurais-tu répondu ?”
Le noble personnage lui dit :
– Non !
L’homme pieux reprit :
– Et si tu lui avais répondu, que t’aurais t’on fait ?
– On m’aurait coupé la tête d’un coup de sabre !
Il lui dit :
– Or donc, n’est-ce pas un cas a fortiori que le mien ? Si pour toi qui t’étais trouvé en présence d’un roi de chair et de sang, aujourd’hui vivant et demain au tombeau, il en est ainsi, pour moi qui me trouvais en présence du Roi des rois de rois, le Saint béni soit-Il, qui vit et existe à jamais, à bien plus forte raison !?”
Le grand seigneur s’apaisa instantanément et l’homme pieux prit congé de lui et rentra chez lui en paix. »

Cela fait problème ! Pourquoi cet homme pieux s’est-il mit en danger et n’a pas interrompu sa prière ? N’avons-nous pas appris le principe de « il en vivra – et non qu’il en meure » !? Plus encore : dans le cas d’espèce, le Talmud a établi que la règle énoncée par la Michna (ibid. 30a) : « Même si le roi le salue, on ne lui réponde pas » ne s’applique qu’aux rois d’Israël, mais dans le cas d’un roi non-juif qui risque de le tuer, on doit s’interrompre ! le rav Abraham Isaac Hacohen Kook souligne la difficulté en écrivant (‘Eyn Aya §89) : « L’irresponsabilité qui fait que quelqu’un se met gratuitement en danger hors des situations où il est juste de faire preuve de vaillance, nuit grandement aux fondements de la moralité générale. »

Certes, de grands commentateurs du Choul‘han ‘Aroukh ou du Talmud (tels que le Touré Zahav ou le Tzla‘h) ont expliqué que l’homme pieux avait déduit de l’attitude du grand personnage qu’il n’était pas dangereux, puisqu’il avait pris l’initiative de le saluer et que, de plus, il avait patienté à ses côtés jusqu’à ce qu’il finisse de prier. Il en avait donc conclu qu’il accepterait ses excuses. Cet homme pieux se serait donc conduit conformément à la halakha, puisqu’en fait il ne s’est pas mis en danger. Mais il est peut-être possible de donner une autre lecture. On peut suggérer que la conduite d’un homme vraiment pieux diffère de celle d’un simple Juif. Ce dernier, et ceux de sa trempe, doivent interrompre leur prière dans un tel cas et ne doivent pas prendre le moindre risque. Mais celui qui est à la hauteur de la véritable piété se situe peut-être à la hauteur dont parle la Thora lorsqu’elle dit : « et les gens de la terre verront que le Nom de Dieu est invoqué sur
toi et ils auront la crainte de toi. » C’est-à-dire qu’il existe des hommes de piété supérieure dont la valeur est à ce point évidente qu’ils peuvent se conduire parfois autrement qu’en suivant les lois de la nature, parce qu’une Providence personnelle particulière veille sur eux.

D’où nous nous élevons aux problèmes liés à la prise de risques et du piqoua‘h néfèche au niveau national. Les Macchabés – on le sait bien – ont combattu les Grecs alors qu’ils étaient « peu nombreux face à une multitude » et qu’ils étaient de plus « chétifs contre des guerriers puissants ». Comment leur a-t-il été permis de partir en guerre pour un combat où, selon les lois naturelles, ils ne pouvaient que succomber. Et il n’y avait même pas danger de mort ! Ils n’étaient que soumis à des décrets vexatoires, humiliants et dégradants mais qui ne mettaient pas les vies en danger. Les Grecs, contrairement aux Perses du temps de Haman, ne voulaient pas détruire, tuer et faire disparaître les Juifs. C’était une opposition de cultures et de civilisations « pour leur faire oublier Ta Thora et les détacher des décrets de Ta volonté. » Avaient-ils le droit de risquer leur vie et d’espérer un miracle. Mon grand-père, le rav Mochè Botschko זצ"ל explique (Hegyoné Moché, au sujet de Hanouca) :

« Il existe un principe d’action concernant une initiative qui n’est précisément pas le fruit d’un froid calcul intellectuel, ni même le résultat d’une investigation halakhique. L’homme est toujours amené à une telle action – en vue de sauver – par l’impératif du cœur et de la sensibilité. Il y a en effet des situations où la sensibilité doit l’emporter sur la raison. » Telle est aussi la situation de nos jours. Nous aurons fêté cette semaine le Jour de l’indépendance. Et, en vérité, nous vivons en Eretz Israël chaque jour et d’année en année le grand miracle du retour du peuple d’Israël à sa terre et notre indépendance ici, malgré ceux qui se lèvent contre nous pour nous exterminer.

Quiconque possède un minimum de sens commun comprend que si les pères de la nation n’avaient agi qu’en fonction de froids calculs et d’après les évaluations probabilistes, l’État d’Israël n’aurait jamais vu le jour. D’après les lois de la nature, il était impossible de de tenir tête aux Arabes qui attaquaient de tous côtés avec les faibles forces militaires dont nous disposions alors. Ce n’est que la force de l’esprit qui anime le peuple, soutenu par la Providence qui nous accompagne de tous temps, qui donne à nos dirigeants le courage moral de ne pas s’en tenir aux analyses pragmatiques et de s’élever jusqu’à ressentir l’esprit israélien si spécial qui vibre en nous grâce à une bien merveilleuse aide divine.

Traduit par Rav E. Simsovic

 

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